Pour la première fois, un A380 est exploité en Afrique de l'Ouest. Focus sur la stratégie africaine du groupe AF-KLM.
Air France desservira désormais Abidjan en super jumbo trois fois par semaine. Centrés autour du week-end (vendredi, dimanche, lundi), les vols Paris-Abidjan en Airbus A380, qui viennent de démarrer, s’accompagnent d’une forte hausse du nombre de sièges, de 8%, sur une destination en pleine croissance.
L’aéroport d’Abidjan affiche en effet 25% d’augmentation de trafic en 2013 et 7% cette année, des chiffres à rapprocher des hausses du PIB de 9,5% et 8,7%… à faire rêver nos économistes. Et malgré les remous dus à Ebola, les perspectives sont excellentes, avec des signes extérieurs qui ne trompent pas, comme le transfert du siège de la Banque africaine de développement de Tunis à Abidjan.
Frank Legré, directeur Afrique d’Air France, a d’ailleurs demandé à Philippe Barbieri, délégué régional, d’augmenter le trafic de 5% sur la ligne avec la France. Cet objectif 2015 ne remplira pas totalement l’A380, concurrencé par ailleurs par Corsair sur Orly et par des biquotidiens de Royal Air Maroc qui desservent ensuite les régions françaises via Casablanca.
Une forte clientèle affaires
Pour le passager, l’A380 se traduira en classe économique par plus de sièges aux tarifs d’appel. Sur cette destination, qui ne compte pas de touristes mais des hommes d’affaires et des passagers voyageant pour raisons familiales, le prix moyen du coupon est élevé, à 492 euros. A noter aussi une particularité de la ligne, la clientèle ivoirienne contribue plus au remplissage de la classe affaires que la clientèle française. 72% des passagers au départ d’Abidjan sont à destination de Paris, les autres continuant vers l’Europe (18%, surtout Genève et Londres), l’Amérique du Nord (7%), l’Asie (1%), etc.
D’autres nouveautés africaines sont attendues en 2015. Les négociations sont en cours pour l’ouverture de Port Gentil, la capitale pétrolière du Gabon. A terme, avec l’arrivée du Boeing B787 dans la flotte du groupe Air France-KLM, la desserte du Mozambique est envisagée. Mais dès ce printemps, Libreville, Malabo et Douala seront desservies par des Boeing B777 aux cabines rénovées Best & Beyond. Une exposition des nouveaux sièges de première et de classe affaires est d’ailleurs prévue début décembre à Libreville. "L’Afrique se mérite, nous a glissé Frank Legré. Dans les bons et les mauvais moments, Air France est là."
Des dessertes souvent perturbées
Ainsi, Ebola mis à part, des circonstances techniques, diplomatiques ou météorologiques ont perturbé la desserte de la Guinée pendant ces derniers jours. C’est le lot commun des dessertes africaines, suivies à Air France minute par minute, comme les autres vols dans le monde, par le CCO à Roissy-CDG qui est informé des (in)disponibilités techniques, des crises géopolitiques, etc. Ce PC est renforcé par une direction des opérations au secteur Afrique qui ne passe pas un week-end sans gérer des perturbations d’exploitation et s’attache à en minimiser les conséquences pour les clients.
La semaine passée a été chaude. Ebola n’est pas la cause des perturbations qui ont réduit drastiquement la desserte de Conakry par Air France ces derniers jours. Le premier événement est toutefois dû, indirectement, à la fièvre contagieuse. Un premier vol Paris-Conakry a été annulé, car l’avion qui y était affecté n’était pas disponible, désinfecté après une alerte à la fièvre Ebola qui s’est révélée être fausse.
Autre perturbation sur cette ligne cette semaine, à cause des quatre (sur sept) vols hebdomadaires Paris-Conakry qui sont assurés via Nouakchott (Mauritanie). L’escale mauritanienne a dû être temporairement supprimée en raison d’une "guerre des polices" locales. La société de sûreté, qui assure la vérification des bagages au pied de l’avion juste avant l’embarquement, a vu ses badges d’accès à la zone réservée supprimés. Tout devrait rentrer dans l’ordre prochainement et les vols vers Nouakchott sont à nouveau en machine en novembre. En attendant, Air France a dû réacheminer ses passagers par les compagnies desservant la capitale mauritanienne comme Royal Air Maroc ou Brussels Airlines.
16% de l'activité long-courrier d'Air France
Enfin, samedi dernier, c’est la foudre qui a frappé la piste de Conakry ouvrant des cratères de vingt centimètres. Pendant une nuit, aucun n’avion n’ont pu atterrir. Le vol Air France s’est dérouté sur Dakar. C’est après l’atterrissage que les problèmes sont survenus, les autorités sénégalaises ne voulant pas laisser débarquer les passagers car ils étaient à destination d’un pays Ebola ! Les passagers ont dû patienter mais, 24 heures plus tard, tout est rentré dans l’ordre avec son lot de réacheminements et d’annulations.
Cette chronique ordinaire des vols africains ne décourage pas Air France, qui y réalise 16% de son activité long-courrier. La desserte de l’Afrique du Nord, en moyen-courrier, n’est donc pas comprise. Si les aléas techniques sont compliqués, les opérations commerciales n’obéissent pas aux logiques habituelles.
Ainsi, en Côte d’Ivoire, seulement 8% des ventes sont réalisées sur Internet, mais pas complètement. En effet, le client réserve souvent sur le Web mais achète son billet en agence ou à l’aéroport, payant en cash. La confiance dans le système bancaire sur Internet est, en effet, très limitée, le piratage informatique étant un sport national.
Aussi les deux agences Air France (centre-ville et aéroport) et les trente agences de voyages ivoiriennes agréées Iata doivent-elles gérer des sommes importantes en espèces. Presque des agences bancaires !
Thierry Vigoureux, à Abidjan